En 2005, il interviewe Steve Jobs. En 2007, il pilote la stratégie de la RTBF sur les réseaux sociaux. Devenu professeur et entrepreneur, cet ancien journaliste ne donne pas cours derrière un pupitre. Il préfère emmener ses étudiants belges, français et marocains à la découverte du monde de l’entrepreneuriat, des startups et de l’innovation. Portrait.
«Donner cours est une excellente façon de repérer les talents. Qui sait, un jour, ce sont peut-être eux qui me donneront du boulot», explique Damien Van Achter en souriant. Avant, les juniors apprenaient des seniors et ils aspiraient à leur ressembler. Aujourd’hui, il y a un vrai retournement : les jeunes recrues sont recherchées pour leur connaissance du monde numérique et des tendances. Ils forment leurs collègues aux réseaux sociaux. Et si quelque chose les dérangent, ils changent de boite. Un des challenges aujourd’hui dans le monde l’entreprise est de les attirer et les retenir.
Ce changement, il l’a senti arriver tôt, dès 2004, alors qu’il travaillait au siège de l’agence de presse Belga à Bruxelles. « Je passais énormément de temps à lire et à découvrir des experts qui bloguaient, notamment en anglais, à enrichir ma veille avec des sources «non-traditionnelles» mais bigrement inspirées et inspirantes. Évidemment, plus on apprend, moins on en sait, mais j’ai eu assez vite la conviction que ma profession allait prendre une grande claque avec la numérisation des moyens de production et de consommation de l’information. Et que je voulais, d’une manière ou d’une autre, faire partie de ce changement ».
PARLER D’INNOVATION C’EST BIEN, EN FAIRE C’EST MIEUX.
Précurseur dans l’information et la veille numérique

Comme journaliste, il écrivait des articles et des chroniques liées au numérique, en vulgarisant fortement l’information. Ses textes et analyses sont lus et repris, sa carrière démarre. Il partage régulièrement ses articles en primeur sur son blog pour les confronter à de premiers lecteurs avant de les publier officiellement pour son travail.
En 2005, il interviewera même Steve Jobs, lors du lancement de l’iPod Nano
:
«C’est un moment de chance, il en faut de temps en temps. Il faut aussi pouvoir la provoquer et le boulot que je pouvais faire en ligne déjà à cette époque-là semble avoir porté ses fruits».
Les réseaux sociaux naissants lui permettent de se positionner sur le marché du conseil et de la stratégie. De
, il passe à la
et prend en charge la gestion des réseaux sociaux. Il vivra ensuite une aventure parisienne chez
où il apprendra le développement coté business d’une entreprise de presse, avant de revenir en Belgique et de fonder sa société, le
, en 2012. Il fera ensuite partie des co-fondateurs de l’accélérateur de startups
, dont il assurera la communication avant de participer à la stratégie éditoriale de
, la structure qui pilote une série de programmes d’innovation et de créativité à l’échelle de la Wallonie.
Un professeur qui emmène ses étudiants dans diverses routes médiatiques

Mélangez 15 années de scoutisme, une expérience de journaliste et un certain goût du risque et vous obtenez la création en 2013 d’un
véhicule connecté et autonome en électricité
. Et ça marche ! Une partie du matériel embarqué est financée grâce à une campagne de crowdfunding rondement menée, les reportages démarrent, ses premiers étudiants sont ravis de sillonner les routes et de couvrir différents types d’évènements, peu importe l’endroit ou la connectivité disponible sur place.
Quand il quitte la capitale française et revient sur Eghezée, son village natal, il crée des « MasterCamps », sorte de classes vertes médiatiques pour étudiants en communication.
Crowdfunding d’étudiants : faire financer son reportage journalistique
Avoir Damien Van Achter comme professeur, c’est être assuré de ne pas rester derrière son banc. Les étudiants sont plongés dans une aventure entrepreneuriale. Le défi ? Réussir à faire financer leurs reportages.
Un crowdfunding ou même un projet, une entreprise…, « ça fonctionne si tu donnes envie aux gens de travailler avec toi. Il faut être vrai, rester cohérent et expliquer pourquoi on fait les choses ». Depuis 4 ans, ce sont 70 reportages d’étudiants en journalisme de I’IHECS qui ont ainsi été financés, grâce à 180.000 euros récoltés grâce à une plateforme développée spécifiquement par l’école« .
Au fil de ses expériences, il associe éducation, journalisme et business. Il questionne les étudiants : « Pourquoi ce que je raconte intéresserait les gens et les motiverait à payer? ».
On parle de reportages de presse, mais dans le cadre d’une start-up, c’est le même principe. Et d’ailleurs, la presse, aujourd’hui encore plus que jamais, se pose des questions similaires sur ses moyens de financement.
Y a-t-il un parallèle entre la communication des start-ups et des PME ? Quels conseils donner ?
« De ne pas avoir peur de montrer qui on est, pourquoi on fait tel ou tel choix. Il faut faire du « vrai storytelling ». Pas celui qui vous raconte la « trop belle histoire ». De toutes façons, le business ne peut pas être déconnecté de qui on est. On ne sait pas mentir longtemps. Et le numérique met parfaitement cela en exergue. Même si on se plante, il faut assumer ses plantages pour être capable de jouir de ses succès ».
En 2009, lors d’une webmission à San Francisco, il rencontre un professeur en journalisme qui le marquera. Selon lui, le journaliste, même s’il tend vers l’objectivité, sera toujours subjectif. Ne serait-ce que par ses choix. Il influence donc son lectorat.
Il a retenu d’assumer sa subjectivité en expliquant ses choix. « Il faut se raconter, expliquer le processus en train de se faire, ses essais et ses erreurs. Mais ne pas se la raconter ».
« Recevoir, ça commence par donner. Plus tu donnes, plus tu reçois. Tu nourris l’écosystème et à un moment tu as un retour ».
Ces conseils, il est évidemment le 1er à les appliquer : il partage et raconte ses aventures avec ses classes. On peut, par exemple, suivre online des conférences qu’il organise.
Un challenge ?
Mon challenge, c’est de continuer à trouver des challenges. Au bout de 6 ans de MasterCamps, je commence à reconnaître les ingrédients qui font que la recette fonctionne. Je suis devenu entrepreneur, finalement un peu sans le vouloir, en expérimentant une nouveau modèle économique à même de rentabiliser cette forme un peu particulière de Camp numérique, en résidence.
Quelle a été votre meilleure décision ?
D’avoir pris le risque de confronter mes certitudes de jeune journaliste aux experts qui étaient présents en ligne, à une époque où les blogeurs faisaient encore figure d’amateurs, peu fiables et trop « geeks ».
Et au contraire, la pire décision ?
De ne pas être parti m’installer à San Francisco en 2009. Finalement, j’ai été à Paris et j’ai privilégié une vie de famille. Je ne regrette évidemment pas ces choix, mais l’aventure californienne m’aurait vraiment tentée à l’époque. Je me console en me rendant régulièrement là-bas, pour des conférences ou des voyages d’études, mais ce n’est pas tout-à-fait la même chose…
Comment faire évoluer l’écosystème wallon de l’innovation ?

On a besoin d’innovation partout, tout le temps.
C’est une culture, en fait, qu’il faut infuser.
Comment ? Avec plein de petits sachets de thés, partout. Je suis pour des initiatives multiples qui vont enseigner des bonnes pratiques. Plus il y a d’acteurs, mieux c’est. Après, j’aime faire le pari de l’intelligence et me dire que les gens savent faire la différence entre les programmes et les outils vraiment utiles et ceux qui servent plus les intérêts particuliers que collectifs…
Un écosystème comme celui du
* (Axisparc), où dans un même bâtiment on mêle un bar (NDLR: très agréable pour y réaliser des interview d’ailleurs), des start-ups et un lieu où des conférences, des MasterCamps et d’autres aventures prennent place, stimule et enrichit les relations.
C’est un modèle qui gagnerait à se dupliquer ailleurs en Wallonie.
Une phrase/citation favorite ?
« En parler c’est bien, le faire c’est mieux ». L’innovation, on peut en faire de grandes théories. La vraie innovation, c’est de faire des petits pas. Un problème me turlupine? Je me lance et je tente d’améliorer la situation. Mais avant de vouloir améliorer le monde, il faut d’abord le comprendre, apporter des solutions sans vouloir casser le système.